S’intéresser au présent

Salut à tous ! De retour de vacances, je voulais vous partager une réflexion …

Je reviens après une semaine passée dans les Pyrénées, dans un lieu où j’allais tous les ans petite pendant mes vacances. Cela faisait longtemps que je n’était pas revenue ici avec ma famille, et cette fois-ci, nous avions mes deux petites nièces avec nous qui découvraient les lieux.

Le lendemain de notre arrivée, nous sommes naturellement allés en famille randonner dans la montagne. Au retour, la plus grande de mes nièces, 6 ans, qui aime bien marcher, m’accompagne en tête du groupe. Nous avions plusieurs minutes d’avance et  en sortant du bois, nous tombons sur ce paysage :

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Moi je trouve ça magnifique, donc je m’arrête, le temps d’admirer ces montagnes dans les nuages, d’apprécier les jeux de lumière, l’air frais… Alors ma nièce me dit “Vite tata Marine ! Il faut se dépêcher ! Les autres vont nous rattraper !” Interrompue dans ma contemplation par cet empressement, je lui fais la remarque “Qu’ils nous rattrapent, on ne fait pas la course.” Elle me répond “Je sais, mais on ne sera plus les premières !” Alors, j’essaie un peu de philosophie : “C’est pas grave s’ils nous rattrapent, moi en tout cas, je m’en fiche, je préfère profiter de ce paysage : regarde comme la montagne est belle !” Elle me dit “Je sais, je l’ai vue à l’aller, et puis on la reverra demain !” Je réponds “Non, demain, on ne reviendra pas ici. Et puis la lumière sera différente, regarde ces nuages qui descendent ! C’est tellement beau ! Demain on ne les verra plus comme ça… sous cet angle et avec cette lumière. Ce moment est unique tu sais.” Alors me me répond “Ben non, demain ce sera pareil.” Je décide de ne plus la relancer sur ce sujet et lui explique que moi, j’ai envie de profiter, donc elle devra m’attendre un peu.

Une fois rassasiée de la vue,  nous reprenons la marche. Mais tout au long de la semaine qui suivra, ma nièce me répétera plusieurs fois : “Tu vois, c’est la même chose, on les voit toujours pareil !

 

Cette situation illustre bien le reste du séjour : ma nièce avait toujours ce besoin d’être la première, la meilleure, en tout et pour tout…  Elle était aussi très vexée les fois où, par mesure de sécurité, je lui expliquais qu’elle ne pouvait pas être en tête en marche, qu’elle devait laisser un adulte devant. Cette question de place était plus importante que de profiter du moment, des paysages, de converser… D’ailleurs les discussions étaient limitées, car à la moindre question, ou divergence d’avis, la réponse “Je sais” venait clore le débat.

J’ai été marquée qu’à 6 ans déjà ma nièce soit déjà autant coupée du moment présent, de la joie qu’il procure, et de déjà avoir besoin de maîtriser la situation, de ce qui se dit et se pense.

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Mieux vaut-il se connaître soi-même, ou se connaître par rapport à l’image que les autres nous renvoient ?

Est-ce que le fait d’être le premier arrivé, le meilleur, celui qui sait, qui est le plus ceci ou cela rendrait plus heureux ? Est-ce que ça fonctionne vraiment comme ça ? La grande perfectionniste que je suis pense que non.   Alors pourquoi on s’obstine à inculquer aux enfants qu’ils doivent être les premiers, mieux que les autres ? Est-il si grave d’ignorer certaines choses à 6 ans ?

Avant de se comparer aux autre, ne serait-il pas nécessaire d’être conscient de sa propre valeur ? N’est-il pas plus important d’être content de soi ? Et donc d’apprendre à s’accepter, que dis-je, de s’aimer pour ce que l’on est : avec ses forces et ses faiblesses, ses savoirs et ses  lacunes… On serait moins frustré de jauger nos différences avec les autres, ou d’en dépendre pour se sentir mieux. Libéré de la comparaison, je pense qu’on s’épanoui mieux comme individu, ensuite, évaluer nos différences par rapport aux autres peut nous permettre de trouver des modèles d’inspirations pour nous enrichir. Cette fameuse maxime “Connais-toi toi-même” était inscrite sur le temple de Delphes, reprise par Socrate, comme une ligne de conduite importante pour se réaliser dans sa vie. Mais alors pourquoi, très tôt, on nous éduque en comparant notre position par rapport aux autres avant d’apprendre à se connaître, soi-même ?

 

Que l’instant soit un présent.

A mon avis, nous ne savons plus apprécier le moment : le stress quotidien au travail, les projets à préparer, à la maison, anticiper les tâches à faire, regretter le bon temps passé… Le présent n’a plus aucune valeur : on veut déjà être demain, tout doit aller plus vite… Et forcément on entraîne les enfants avec nous dans la spirale : il faut se dépêcher, on est en retard, ne pas traîner les pieds…

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Pourtant… et si traîner les pieds pouvait nous procurer aussi de joie ? S’émerveiller des petits riens plutôt que de s’angoisser pour d’éventuels “gros” problèmes à venir ? On voit se développer foultitude d’applications pour smartphone, de livres, magazines et de méthodes pour apprendre ce que l’on appelle “la méditation pleine conscience”, coïncidence ? Peut-être qu’après tout remettre les pieds dans le présent ce n’est pas si mal…

S’ancrer dans le présent, c’est que que certains appellent “être dans le flow” : c’est être tout entier à ce que l’on fait, sans se laisser parasiter par le reste. C’est un état qui procure une joie intense de complétude. Isabelle Filliozat, psychologue, écrit d’ailleurs : ” Il suffit d’observer un enfant capable de jouer des heures aux Lego ou ces adultes qui redécouvrent les coloriages antistress. On oublie le temps qui passe, on ne cherche pas à produire à tout prix, on s’absorbe dans la tâche. Parfois, on n’entend plus les bruits extérieurs, il faut nous arracher à notre travail pour venir dîner.” (Les chemins de la joie).

Même si cet état ne peut pas être continu, il montre bien que s’ancrer dans le présent procure du plaisir et peut même nous rendre plus efficace dans nos tâches. Plus largement, il n’y a aucun mal, au contraire, à s’émerveiller de peu : prendre le temps d’observer ce qui nous émeu, se recentrer sur ses émotions à soi, s’émerveiller de petits riens… Qu’y a-t-il de plus délectable que de l’eau fraîche lorsque l’on meurt de soif ? Ou bien la fameuse “première gorgée de bière” qu’évoque Philippe Delerm, écrivain, dans son livre éponyme ?

 

Et les enfants dans tout ça ?

 Peut-être que si on les laisse découvrir le monde à leur rythme, sans avoir besoin de le faire plus vite et mieux que les autres, on ferait un grand pas. Peut-être qu’il serait bénéfique de laisser le temps aux enfants de se poser des questions sur ce qui les entoure, d’observer et de manipuler, plutôt que de leur donner des solutions toutes faites. Cela leur permettrait de développer un esprit plus éveillé, de mettre un sens à leurs apprentissages, contrairement à ce que l’on craint si on ne propose pas “d’activités”.

Plutôt que de tout optimiser , même son temps “mort” en le laissant devant des écrans avec des “programmes d’éveil” (qui laissent l’individu passif et crée une première dépendance à cet outil), pourquoi ne pas permettre l’existence du temps du vide et d’écouter le silence, d’apprendre à être avec soi ? C’est déjà un bel apprentissage.

A mon avis, la sur-stimulation causée par des activités non-stop, des jouets lumineux et bruyants, et en “faisant faire” quelque chose n’est pas une bonne option. Ne peut-on pas simplement faire confiance à l’intelligence et à la curiosité naturelle que nous avons tous ? Et si l’enfant s’ennuie, est-ce si grave ?  Il trouvera les ressources pour s’occuper, et il va développer son imaginaire, sa richesse intellectuelle, ce qui le rendra, je pense, plus intéressant que par ses performances en mathématiques ou en orthographe.

Proposons un milieu propice à tout cela, mais n’imposons pas nos souhaits pour l’enfant. On ne peut malheureusement pas tout maîtriser, et encore moins comment il va développer son intellect. Prenons le temps, laissons-le faire sans se précipiter, il aura toute sa vie pour décider de se mesurer aux autres et voir si ça en vaut la peine.

Voilà, je pose ça là, j’y reviendrai sans doute plus tard, dans quelques mois. En attendant, s’il vous plaît, réagissez en commentaires, ça nourrira la suite de cet article 🙂

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